Retigo s.r.o.

Interview : 30 ans de fours mixtes Retigo

Saviez-vous que cette année marquait le 30e anniversaire de la fabrication du premier four à convection ? Peut-être certains d’entre nos lecteurs se souviennent-ils de nos débuts ? Mais ne vous y trompez pas. Le premier four à convection a été produit en 1993, tandis que la société RETIGO s.r.o. en tant que personne morale n’a été fondée qu’un an plus tard, soit en 1994. Son anniversaire sera donc célébré en 2024.


Cependant, beaucoup de choses ont changé depuis. Qu’il s’agisse du design des fours mixtes, de l’élargissement de la gamme de modèles, de l’utilisation de télécommandes, des ajustements du logiciel de la machine, mais aussi de l’arrivée de nouveaux collaborateurs ou de l’agrandissement des locaux. La dernière extension date de 2021. Le nouveau hall nous permet d’atteindre une plus grande capacité de production. Mais arrêtons-nous un instant sur l’époque où le premier four à convection a été créé, suivi de près par la création de l’entreprise. Nous allons vous faire voyager à travers les souvenirs de trois des cinq patrons de la marque : M. Jiří Zátopek, M. Jaroslav Kudela et M. Libor Pavelka.

Comment se sont rencontrés les 5 patrons de l’actuel Retigo ?

Zátopek : Nous travaillions ensemble dans l’ancienne usine Tesla à Rožnov, où étaient produites des machines à usage unique. 

Pavelka : M. Zátopek et M. Kudela travaillaient dans la construction électrique, Jirka Jaroň (qui deviendra plus tard propriétaire de l’entreprise Retigo), Vašek Miller (qui deviendra aussi propriétaire de l’entreprise Retigo) et moi-même travaillions dans la construction mécanique. 

Kudela : Nous étions amis au travail. À l’époque, nous travaillions sur les fumoirs. Ce sont des machines similaires aux fours à convection. Ils chauffent, disposent d’une centrale et d’un ventilateur, mais les températures ne sont pas si élevées, et en même temps le fumoir produit de la fumée. 

En partant de la gauche: Mr Norbert Pelc (PDG), et les propriétaires Mr Vaclav Miller, Mr Jaroslav Kudela, Mr Jiri Zatopek, Mr Libor Pavelka

D’où est venue l’idée de fabriquer des fours à convection ?

Zatopek : Tesla recherchait naturellement d’autres activités après la révolution, et l’une d’entre elles étant la technologie gastronomique, nous avons donc été chargés de créer un four à convection.

Pavelka : Cependant, les fours à convection de la marque n’ont pas eu de succès et nous avons eu l’idée de fabriquer un four à convection sous notre propre marque.

Zátopek : Chez Tesla, il y n’y avait pas de vrai département marketing, ce qui est nécessaire quand on a une idée et un produit, mais il n’y avait personne pour vendre les machines. Ce que personne, encore moins une usine, ne pouvait faire à l’époque. Et c’est ainsi qu’elle est « morte ». Ce fut aussi l’occasion de réfléchir à la suite.

Kudela : Nous avons voulu que la machine soit chère et difficile à fabriquer ou à copier. Et nous avons donc essayé de tout mettre tout ça en musique. Les changements dans l’entreprise nous y ont conduits, les perspectives n’étaient pas très bonnes. Finalement, l’entreprise n’a vendu que quelques fours et a fait faillite quelques années après.

Saviez-vous ce qu’est un four à convection ?

Kudela : Je ne le savais pas, j’ai commencé à effectuer des recherches et à étudier le marché. Nous n’avions pas de concurrent, seulement l’allemand Eloma et un autre fabricant. Leurs fours à convection coûtaient, jusqu’à 300 000 CZK, une somme inimaginable à l’époque, presque le prix d’une maison neuve. Ces machines étaient déjà connues et, après la révolution, nous fûmes parmi les premiers à les commercialiser.  

Comment a été créé le premier four à convection ? 

Zátopek : Nous l’avons créé durant notre temps libre, nous passions des nuits à dessiner la structure puis nous repartions travailler pour notre patron le matin. Ensuite, sur la base de nos plans, nous avons contacté une petite entreprise qui nous a fourni les composants nécessaires. 

Kudela : Les premières réunions avaient lieu au travail. Chaque fois que le manager venait nous voir, nous nous dispersions, mais sinon c’était plus détendu. Nous élaborions un concept, chacun faisait quelque chose de différent.

Pavelka : Oui, au lieu de passer du temps avec nos enfants, nous avons construit un four à convection. Tout a été réalisé dans le garage de M. Zátopek, certaines choses ont été soumises à des coopératives, quelqu’un s’est occupé du soudage pour nous, un autre du travail des métaux, etc. Il s’agissait plutôt d’une fabrication maison. Jirka Jaroň testait et cuisinait avec la machine chez elle, dans sa cave. Il a fallu plusieurs mois pour assembler la première unité, mais je ne me souviens plus exactement combien de temps.

Le premier four mixte a été produit sous la bannière d’une association d’entrepreneurs, puis Retigo s.r.o. a été fondée. (NDLR vers mi-1994) et l’entreprise a embauché son premier employé. Ou plutôt, les premiers employés, c’était nous, nous cinq.

Combien a coûté approximativement la fabrication du premier four mixte ?

Zátopek : Je dirais environ 60 000 CZK, mais je ne me souviens plus exactement. Nous avons rassemblé l’argent entre nous, mais nous avons très vite compris qu’un investissement plus important était nécessaire. C’est pourquoi j’ai investi mes économies dans l’entreprise et l’argent que j’avais gagné aux États-Unis. Bien sûr, en Amérique, j’ai dépensé la moitié en essence parce que je voulais visiter le pays, mais j’ai investi le reste. J’ai même commencé à travailler mon anglais à 40 ans. En Amérique, j’ai également tourné un documentaire sur la vie des expatriés et l’émigration des Valaques vers le Texas.

Où avez-vous trouvé l’inspiration et les idées de design ?

Zátopek : Nous n’avions rien pour nous inspirer, seulement le fait que Tesla produisait deux types de fours à convection, mais sinon nous n’avions rien. Nous n’avions pas de concurrents. Hormis les deux unités Tesla mentionnées, nous n’avons pu voir aucun autre four mixte. Nous l’avons simplement construit en faisant confiance à nos émotions. Par rapport à Tesla, nous voulions avoir un four à convection meilleur et plus moderne, sans commande analogique avec éléments numériques.

En fin de compte, tout s’est bien passé.

Zátopek : En 1993, le premier four mixte au monde est apparu. Ce four à convection, le modèle Digital 611, est visible dans le musée de l’entreprise en bas, près de la salle à manger.

Pavelka : Dès la première unité, nous avions une machine contrôlée par ordinateur, sans éléments ni boutons analogiques. Il s’agissait d’une machine numérique, d’où le nom Digital.

Comment la première machine s’est-elle vendue ?

Kudela : le Felicia coûtait environ 70 000 CZK à l’époque ; nous avons vendu notre première machine pour le double, ce qui était incroyable, mais cela nous a demandé beaucoup de travail et de temps.

Pavelka : La première commande, c’est-à-dire la première machine, a été convenue à l’avance. M. Zátopek vient de Frenštát et, comme vous le savez tous, le premier four à convection était destiné à l’école hôtelière locale.

Zátopek : Après la vente du premier four mixte à l’école hôtelière de Frenštát pod Radhoštěm, nous avons financé le développement ultérieur de 4 unités. Les cinq premiers fours à convection ont été fabriqués dans mon garage. Ce n’est que plus tard que nous avons loué un local à Tesla Rožnov, puis nous avons également acheté le bâtiment actuel, qui était dans un état proche de la ruine. Le démarrage de l’entreprise a nécessité qu’on se serre la ceinture, comme on dit. 

Pavelka : Un certain nombre de fours à convection étaient fabriqués, puis ils étaient vendus. Une fois vendus, nous pouvions acheter le matériel et fabriquer un autre lot.

Les gens ne connaissaient pas les fours à convection. Comment leur avez-vous appris à les utiliser et comment les avez-vous sensibilisés ?

Kudela : Nous sommes allés présenter, former et installer les machines nous-mêmes. Nous n’avions pas d’argent pour payer des employés. Je me suis inspiré des livres de cuisine des concurrents. Nous arrivions, le four à convection dans nos bras et le portions jusqu’à la cuisine où nous le branchions et raccordions à l’eau. Puis je continuais à m’entraîner à l’utiliser. 

Pavelka : Les cuisines avaient autrefois des fours triples d’ALBA Hořovice. Cette entreprise équipait tout. Nous avons dû expliquer aux futurs utilisateurs qu’un four à convection est meilleur qu’un four ordinaire. Et contrairement à d’autres, nous n’avions pas besoin d’importer des produits ; nous étions jusqu’à présent les seuls producteurs nationaux d’équipements de qualité.

Kudela : Les fours classiques ont une spirale en haut et en bas. Le four à convection, c’est autre chose. Ce qui était clair, c’est que le fait de pouvoir baisser la température a été un élément décisif. S’ils étaient habitués à cuire à 200 °C, nous cuisions à 160 °C et ajoutions plus d’humidité. Le résultat était toujours excellent, cuit et croustillant. À l’époque, la plupart de nos clients étaient des cantines scolaires.

Avez-vous tenté votre chance dans les foires à cette époque ?

Kudela : La première foire a eu lieu à Brno (ndlr en 1994), la société Retigo s.r.o. n’existait pas encore. Nous avons convenu que M. Černý partagerait le stand avec nous. Il connaissait le monde des affaires, car il était tchéco-suisse. Le stand était censé nous coûter environ 5 000 CZK, mais finalement nous n’avons rien payé parce que M. Černý voulait nous aider. 

A cette époque, nous étions encore employés. Et ce moment, comme j’étais également salarié, j’ai dû trouver une parade pour être à la fois au travail et à la foire. Je ne pouvais pas me permettre de ne pas aller travailler (rires). En fin de compte, avec l’aide de mes amis, j’étais officiellement au travail, mais en même temps je restais tout le temps au stand, regardant nerveusement si quelqu’un que je connaissais au travail n’allait pas débarquer (rires). Nous avons pris des contacts sur la foire et à partir de là, nous avons vendu 4 fours à convection la première année. Plus tard, une annonce à 10 000 CZ suffisait pour vendre une autre pièce.

Il n’y avait pas de mails, personne n’appelait, nous avions qu’un fax. Quand il commençait à vibrer, c’était un signe de bonne augure. J’allais immédiatement voir ce qu’il se passait. C’est ainsi que les commandes se déroulaient.

Pavelka : c’était la première foire de Retigo s.r.o. puis il y a eu une l’année suivante (éd. 1995). Et nous sommes également allés en Slovaquie. Cela impliquait beaucoup de paperasse. Il y avait un certain nombre de camions à Bumbáleka (le poste-frontière), nous avons dédouané, traité les papiers douaniers… Il s’agissait d’une foire à Nitra à Agrokomplex.

Qui a trouvé le nom de l’entreprise ?

Kudela : Le nom Retigo a été inventé par Jirka Jaroň. Nous nous sommes assis et avons réfléchi au nom que nous pourrions lui donner. Gastro technique, matériel Gastro, tout le monde s’y ait mis et puis tout d’un coup… RETIGO. En fait, à l’époque, nous n’avions même pas cherché à savoir si nous pouvions utiliser ce nom. Nous venions de nous lancer. L’inspiration était venue de Magdalena Dobromila Rettigová, nous voulions souligner son origine tchèque. De plus, Magdalena était assez connue et les gens avaient ses livres de cuisine à la maison. Je me souviens que le premier slogan sur le stand était « Magdalena Dobromila Rettigová serait surprise ».

Y a-t-il déjà eu des tensions entre vous qui ont conduit à des disputes ?

Pavelka : Il y en a eu un peu, mais pas beaucoup. Nous avons toujours été conscients qu’une entreprise est plus forte lorsqu’on est soudé, ensemble. Et chacun de nous travaillait dans un domaine dont il prenait soin et couvrait. Jarek Kudela s’occupait du marketing et des ventes, Jirka Jaroň s’occupait des investissements et des systèmes. Avec Vašek Miller ils s’occupaient de la production et de la conception mécanique, M. Zátopek était le chef de service et participait à la conception électrique. J’étais en charge des RH, des contrats et de la gestion. Dès le début, Jarek Kudela et moi rencontrions des partenaires commerciaux. Cependant, nous avons toujours essayé de trouver une solution pour nous mettre d’accord. Nos opinions pouvaient diverger, mais nous avons toujours essayé de trouver des solutions acceptables pour tout le monde.

(Rires) Paradoxalement, le plus gros désaccord a eu lieu lors du choix du sol du hall d’entrée actuel de la réception. Vaste débat pour savoir s’il devait être noir, gris, brillant, marbre, etc.

Voyager était une aventure…

Zátopek : Nous avons utilisé ma Škoda MB 1000 pour notre premier transport. Entre autres choses, j’étais également chargé de l’achat de matériel électrique. Lors d’un achat dans un magasin de gros à Olomouc, une grosse bobine (environ 2 mètres de diamètre) avec un lourd câble est tombée sur ma voiture qui était garée là. La partie gauche, y compris la portière, a été détruite. J’ai donc attaché la portière de la voiture avec du fil et je suis reparti. L’entreprise concernée a ensuite payé les dégâts, ce qui a coûté beaucoup d’argent. Ensuite, nous avons acheté une remorque pour une plus grande capacité de transport, qui est toujours utilisée dans l’entreprise aujourd’hui, mais la pauvre Škoda MB 1000 ne l’est plus. 

J’ai également plusieurs histoires associées à mon nom. Nous avons importé des éléments chauffants de Suède et les Suédois courraient devant moi parce qu’ils pensaient que j’étais un parent d’Emil Zátopek.

Pavelka : Une fois, nous avons amené un four mixte dans les Monts des Géants, à Moravská Bouda, qui se trouve dans les montagnes, à environ 1 200 m d’altitude. Nous y sommes arrivés le matin avec un chariot et un four à convection, le temps était magnifique, les routes étaient sèches et propres. Nous avons installé la machine, avons formé le personnel et n’en sommes pas sortis avant le soir. Il avait neigé. Nous n’avions pas de chaînes et il était impossible de rentrer chez nous. C’était donc parfois assez aventureux.

Et il y a eu cette autre fois, lorsque nous sommes allés acheter des tôles en acier inoxydable. Personne ne nous a rien apporté. Nous y sommes allés et avons acheté nous-mêmes les pièces détachées, car les camions ne roulaient pas. Les collègues transportaient les tôles sur un chariot et sur le toit d’une autre voiture, une Škoda 120. Il y a eu tellement de vent que la tôle du toit s’est complètement pliée. C’est ainsi que nous avons vécu la première année.

Une des premières voitures utlisée chez Retigo

Où ont été vendues les premières unités de fours à convection ? 

Entreprise

Ville

Modèle

Date

Lycée intégré – section cuisinier et serveur

Frenštát p. R, CZ

611

15/06/93 (aujourd’hui école hôtelière)

Grand magasin OMMA

Frýdlant n. O., CZ

611

15/03/94

Institut Médical

Paseka, CZ 

611

15/04/94

Restauration, SOU spol. Vítkovice

Ostrava, CZ 

611

15/05/94

Restaurant TERASA

Opava, CZ

611

20/05/94

Pension BEČVA

Rožnov p. R., CZ

611

10/07/94

Nová huť, Kunčice, cantine 610

Ostrava, CZ

611

10/07/94

Domaine viticole OLEA, Vinohrady

Prague, CZ

611

20/07/94

Maison de retraite

Frýdlant n.O, CZ

1011

13/10/94 (premier modèle 1011)

 

Toutes les machines mentionnées étaient encore vendues sous la bannière de l’association, après la création de l’entreprise, elles furent vendues par Retigo s.r.o. première machine le 16 11. 1994 à Moravská Bouda susmentionnée à Špindlerův Mlýn.

Remarque : La situation et les conditions au début de l’activité ont été influencées par l’atmosphère qui régnait dans l’ex-Tchécoslovaquie puis en République tchèque (depuis 1993).